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Les fondements cognitifs de la pédagogie explicite

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Les fondements cognitifs de la pédagogie explicite

Bernard Wemague, Universitaire-Chercheur (Linguistique & Méthodologie), Bordeaux.

 

 

L’émergence de la pédagogie explicite annonce de grandes mutations futures en matière d’enseignement auxquelles mènent des travaux scientifiques remarquables comme ceux d’André Giordan, didacticien, épistémologue des Sciences et professeur à l’Université de Genève (Suisse), consacrés à la théorie de l’apprentissage appliqué à l’éducation, c’est-à-dire, plus exactement, aux processus cognitifs mobilisés dans la formation scolaire.

Les mécanismes cognitifs de l’apprentissage scolaire qui se dégagent des résultats des recherches de l’auteur conduisent, par leurs implications profondes, à des transformations radicales des pratiques éducatives consistant à concevoir l’enseignement et ses contenus par rapport aux mécanismes fonctionnels de la pensée.

De ce point de vue, l’enseignement actuel est, par certains aspects, peu pédagogique en comparaison avec le courant pédagogique explicite qui prône un mode d’organisation et de présentation des contenus d’enseignement suivant les processus mentaux. L’exemple de la lecture, qui fait l’objet de débat récurrent dans le système éducatif en raison de résultats mitigés, permet de le montrer.

 

L’apprentissage véritable de la lecture débute en même temps que les autres apprentissages en CP. Ceci veut dire que les élèves apprennent à lire en même temps qu’ils apprennent les autres matières de base. C’est une situation difficile à justifier au plan scientifique et pédagogique.

Quand on connaît les complications de l’orthographe de la langue française entraînant celles de son apprentissage de la lecture et les erreurs de conceptions des contenus pédagogiques de la lecture, on se dit que le système d’éducation est effectivement, à certains égards, peu pédagogique. Car un des enjeux centraux de la pédagogie est d’identifier l’objet de la connaissance ; en termes scientifiques, il doit être défini d’après les processus cognitifs. Les recherches et les nombreuses méthodes de lecture qui en découlent ne sont pas parvenues à identifier pertinemment l’objet de la connaissance, sinon il n’y aurait pas une multitude de méthodes de lecture puisqu’il existe un seul objet de la connaissance et que le mécanisme de fonctionnement cognitif est unique chez tous les élèves impliquant l’existence et donc la construction d’une seule méthode d’enseignement de la lecture.

 

En l’état actuel des savoirs scientifiques, étant donné l’ampleur des difficultés qui attendent les élèves, il n’est pas imaginable, raisonnablement, qu’ils démarrent les apprentissages fondamentaux sans savoir lire.

A ce sujet, les scientifiques spécialisés dans la recherche sur l’enseignement de la lecture s’accordent unanimement à reconnaître que la capacité à lire conditionne la réussite des apprentissages scolaires.

L’exemple du système scolaire finlandais, qui figure régulièrement parmi les plus performants au monde dans les résultats des enquêtes internationales PISA, comparativement au système français plongé dans les profondeurs du classement, l’illustre parfaitement. L’explication en est simple : les enfants finlandais commencent les matières scolaires sachant lire, à la différence des enfants français, pénalisés par ailleurs par des contenus d’enseignement inappropriés pour autant qu’ils ne sont pas fondés sur le fonctionnement cognitif. Cette inadéquation des contenus pédagogiques se traduit par leurs variations d’une méthode de lecture à l’autre alors que l’objet de la connaissance et le fonctionnement cognitif ne changent pas et, pour cette raison, commandent une seule théorie et une seule méthode corrélative d’apprentissage de la lecture.

 

Le système français prévoit un apprentissage de la lecture étalé sur toute la durée de la scolarité primaire. Il  ne prend pas en considération le fait que l’apprentissage réussi des matières scolaires passe nécessairement par la maîtrise acquise de la lecture. Par voie de conséquence, il faut faire maîtriser la lecture avant d’entamer les apprentissages fondamentaux en CP, comme font les parents qui enseignent à lire avec succès à leurs enfants avant qu’ils entrent en CP. En effet, malgré un important déficit de transparence orthographique de la langue française, les parents enseignent efficacement à lire à leurs enfants, ce qui montre que l’école peut obtenir des résultats analogues. Ils dépendent en grande partie de la pédagogie conçue et mise en œuvre. Les enfants qui arrivent à l’école et qui savent lire constituent une remise en cause de la validité théorique et pratique des méthodes de lecture en vigueur. Le Ministère de l’Education nationale en a pris conscience et le gouvernement a fait voter la loi de 2005 qui établit le principe de la liberté d’enseignement. Cette loi laisse toute latitude à la pédagogie explicite d’expérimenter les méthodes à disposition et de choisir celles d’entre elles qui sont les plus efficaces et, par conséquent, les plus cohérentes avec le fonctionnement cognitif.

 

Toutefois, le vrai problème demeure celui de la compréhension.

Deux angles d’approche de la compréhension dont le premier est situé en amont et le second en aval sont à distinguer pour l’aborder :

- au niveau de l’enseignement : il s’agit de la compréhension par rapport à l’objet de la connaissance apporté par la pédagogie ;

- au niveau de l’apprentissage : il s’agit de la compréhension par rapport à l’élaboration mentale de l’objet de la connaissance fourni par la pédagogie ; c’est l’accès à l’objet pédagogique à s’approprier.

Son importance est tout à fait déterminante dans le domaine de la pédagogie, et c’est ce qui explique le rôle de premier plan qui lui est attribué dans les recherches scientifiques et pédagogiques.

La compréhension est la clé de voûte de la pédagogie, et partant la condition sine qua non de réussite scolaire.

Sur ce point, l’objet de la connaissance, c’est-à-dire ce qui est donné à savoir et qui est constitué par les contenus d’enseignement, n’est pas pertinent, comme le prouvent, ainsi qu’on l’a vu auparavant, les variations d’une méthode de lecture à l’autre. Dans les méthodes de lecture, l’objet de la connaissance fourni par l’enseignement change d’une méthode à l’autre pendant que la langue dont il fait partie ne varie pas et que la cognition qui le traite ne change pas non plus.

Ainsi se démontre, par des explications rationnelles, l’inadéquation des contenus d’enseignement de la lecture.

 

Aussi importante qu’elle soit, la compréhension n’est qu’un chaînon des processus cognitifs d’apprentissage de la lecture. En effet, l’apprentissage de la lecture repose sur une chaîne de processus cognitifs interconnectés. Les trois premiers maillons de la chaîne sont la perception, la représentation mentale et la compréhension. L’apprentissage débute par la perception qui conduit à la représentation mentale qui offre la possibilité de compréhension. Ceci signifie que l’impact produit par la perception se répercute sur l’ensemble des processus cognitifs. En conséquence, un déficit de la perception rejaillit sur la compréhension. Autrement dit, si les élèves ne perçoivent pas ce qui est à comprendre ou bien si le contenu de l’objet de la connaissance n’est pas exact, alors leur compréhension en est compromise comme leur perception (puisque l’objet de la perception lui-même n’est pas approprié dans ce cas de figure).

 

On réalise ainsi la nécessité de définir avec justesse et précision l’objet du savoir. L’entreprise débute par la détermination des critères que l’opération requiert. Il convient ensuite d’organiser cet objet de manière à ce que la compréhension par les élèves soit aussi simple et facile que possible.

Faire comprendre est l’enjeu fondamental et fondateur de la pédagogie. Un autre enjeu fort semblable est l’identification de l’objet du savoir à transmettre.

 

De cette manière, c’est un renouvellement complet qui est en train de se mettre en place dans le champ pédagogique. Il peut se résumer comme suit. Les élèves s’adaptent à la pédagogie classique tandis que c’est la pédagogie explicite qui s’adapte aux élèves. A cet égard, le système éducatif est organisé, comme il se doit, pour s’ajuster aux différences de niveau intellectuel chez les élèves. Le constat est identique pour ce qui est des manuels scolaires. Pourquoi les contenus des ouvrages scolaires ne pourraient-ils pas être conçus, structurés et présentés en fonction des processus cognitifs ? Il n’y a pas d’objection sérieuse à cette hypothèse.

Dans la même perspective, les méthodes d’enseignement d’une matière telle que l’apprentissage de la lecture doivent faire place à une seule méthode répondant à l’objet à comprendre et aux processus cognitifs des élèves puisqu’il n’y a qu’un objet à comprendre et que tous les élèves possèdent les mêmes mécanismes mentaux (cf. les travaux respectifs d’André Giordan et de Stanislas Dehaene notamment). En conséquence, il n’existe qu’une méthode pédagogique pour une matière donnée correspondant à l’unicité, d’une part, de l’objet de la connaissance et, d’autre part, des mécanismes cognitifs chez tous les élèves. Le fait, pour une méthode dans un domaine disciplinaire quelconque, d’être unique et donc de ne pas pouvoir changer d’un établissement à un autre ou d’un enseignant à un autre parfois au sein d’un même établissement, constitue un avantage indéniable pour les enseignants et les élèves ainsi que pour les établissements scolaires et, finalement, pour le système éducatif tout entier.

 

La pédagogie explicite propose un enseignement dont les contenus sont déterminés, organisés et présentés  en fonction des processus cognitifs.

 

Sur la base de l’ensemble des considérations qui viennent d’être développées, des recommandations aux praticiens de la pédagogie explicite de la lecture sont de concevoir les programmes de CP de telle sorte que les élèves sachent lire avant d’engager les apprentissages fondamentaux de ce niveau crucial de la scolarité. C’est une garantie de succès, surtout à un coût supportable en termes de dépenses de ressources attentionnelles. A ce sujet, le succès des parents est un exemple édifiant. Comme celui du système scolaire finlandais précité qui obtient les meilleurs résultats scolaires d’Europe, ils utilisent généralement une méthode syllabique à cette fin. Par voie de conséquence, c’est une question autant de méthode à mettre en œuvre que d’organisation de l’ensemble des programmes de CP afin d’y incorporer, suivant l’objectif primordial à atteindre, l’enseignement de la lecture et, en dernière instance, une question de philosophie pédagogique. Celle qui est susceptible de mener les élèves à la meilleure réussite au moindre coût mémoriel.

 

Bernard Wemague

 

 

 

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