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Pratiques enseignantes envers les élèves en difficulté dans les classes à efficacité contrastée

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- Céline Piquée
Pratiques enseignantes envers les élèves en difficulté dans les classes à efficacité contrastée
Revue française de pédagogie, n° 170, 01/02/03.2010, pp 43-60

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Dans l’analyse des inégalités scolaires, de nombreux travaux dénoncent les effets pervers de l’aide aux élèves en difficulté : processus de stigmatisation, contenus appauvris, occasions d’apprentissage moins nombreuses, etc. Pour autant, dans certaines classes, les élèves en difficulté y progressent nettement plus que dans d’autres. Pour comprendre ce qui différencie ces classes, nous nous sommes penchée sur les pratiques enseignantes à l’égard de ces élèves. Cet article rend compte d’analyses fondées sur l’articulation d’une approche quantitative, permettant une mesure de l’efficacité d’un échantillon de cent classes de cours préparatoire (1re année de l’enseignement obligatoire), et d’une approche qualitative permettant la caractérisation des pratiques enseignantes, sur un sous-échantillon de huit classes à efficacité contrastée. Les résultats confirment les travaux antérieurs et mettent en évidence l’essentielle intégration des élèves en difficulté au groupe classe, grâce à une conception de l’enseignement qui associe étroitement socialisation et apprentissage.

INTRODUCTION

Dans l’analyse sociologique des inégalités scolaires, l’influence du contexte est un objet d’étude majeur. L’étude de l’influence du contexte familial est un classique sociologique pour expliquer les inégalités de réussite entre élèves. Non moins classique, même si plus récente, l’étude de l’influence du contexte scolaire fait également l’objet de nombreux travaux (Bressoux, 1993, 1994 ; Duru-Bellat & Mingat 1985, 1988 ; Grisay, 1993a) : les différences de conditions de travail dans lesquelles sont placés les élèves sont sources de différence de réussite. En termes de politique éducative, la mise en évidence d’effets du contexte scolaire sur les performances des élèves rend légitime l’organisation de dispositifs d’aide aux élèves les plus fragiles. Depuis le début des années 1980, de nombreux dispositifs ayant pour principe de modifier les conditions de travail des élèves, à travers leur environnement scolaire et périscolaire, ont vu le jour. Le premier dispositif, et sans doute le plus emblématique de notre problématique, est l’éducation prioritaire, dont le leitmotiv est de donner plus (de ressources scolaires) à ceux qui ont le moins (de ressources familiales). Mais on peut également évoquer les dispositifs d’accompagnement à la scolarité, les aides extérieures à la classe, la scolarisation à deux ans, les expérimentations relatives à la réduction de la taille des classes, etc.

 

Pour autant, les résultats sont mitigés, voire décevants. Certains dispositifs ont pu démontrer une relative efficacité, en particulier auprès des élèves les plus faibles, comme les dispositifs d’accompagnement à la scolarité (Mc Beath et al., 2001 ; Piquée, 2003 ; Piquée & Suchaut, 2002), la réduction de la taille des classes (Meuret, 2001 ; Piketty & Valdenaire, 2006) ou la scolarisation précoce lorsqu’elle est réservée aux publics de l’éducation prioritaire (Caille, 2001). Néanmoins, dans bien des cas, au mieux les effets sont nuls, au pire, ces dispositifs s’avèrent contre-productifs (Mingat & Richard, 1991 ; Reynolds & Wolfe, 1999). Le bilan des ZEP est des plus mitigés (Mingat, 1983 ; Meuret, 1994 ; Moisan & Simon, 1997 ; Rochex, 1997). Une part d’explication réside sans doute dans le fait que les apprentissages se réalisent et les difficultés d’apprentissage se résolvent avant tout dans le cadre de la classe, avec l’enseignant. On sait en effet (Bressoux, 1995) que les effets de contexte décelés au niveau de l’école primaire tiennent surtout à un effet-maître. Selon les travaux, les conditions d’organisation scolaire expliqueraient entre 2 % et 5 % des différences de progression entre les élèves au cours d’une année, alors que l’efficacité du maître expliquerait entre 15 % et 20 % de ces écarts. En matière de réduction des inégalités de réussite, c’est donc la boîte noire de l’effet-maître qu’il convient d’ouvrir et ses pratiques qu’il convient d’analyser.

Certaines caractéristiques d’enseignants et certaines pratiques de classe ont été identifiées par la recherche comme propices à la réussite scolaire. Pour les détails, nous renvoyons le lecteur à l’importante note de synthèse publiée à ce sujet par Bressoux (1994). Globalement, les pratiques pour lesquelles la recherche démontre des effets positifs sont plutôt des pratiques que l’on pourrait qualifier de générales ou globales (le temps d’apprentissage, le niveau d’exigence, l’importance des activités écrites, le niveau de directivité, etc.). Cela dit, on manque encore de travaux qui permettraient de savoir si ces pratiques ont davantage d’effets sur les élèves en difficulté que sur les autres. En revanche, de la même manière que pour les dispositifs qui se détachent du quotidien de la classe, les effets des pratiques de classe spécifiquement mises en place à l’égard des élèves en difficulté sont décevants. Les regroupements d’élèves faibles entre eux (groupes de niveau ou classes de niveau) n’ont pas démontré leur efficacité auprès des élèves faibles, mais plutôt auprès des élèves forts (Duru-Bellat & Mingat, 1997 ; Ireson, Hallam & Hurley, 2005 ; Piquée, 2007a ; Slavin, 1987). Gamoran (1993) montre que l’enseignement reçu dans une classe homogène faible est nettement différent de celui reçu dans une classe homogène forte : centration sur les savoirs de base et couverture du programme moins accomplie, en partie dues à des exigences moins élevées, moindre recours à de la documentation pédagogique, faible esprit de compétition. Les pratiques d’individualisation (Bautier, 2005 ; Butlen, Peltier-Barbier & Pézard, 2002 ; Peltier-Barbier, 2004 ; Piquée & Suchaut, 2004) semblent elles aussi s’accompagner d’un abaissement net des exigences des enseignants à l’égard des élèves en difficulté. Qu’il s’agisse de travaux à orientation qualitative ou quantitative, la recherche tend donc à s’accorder pour démontrer que les effets pervers des pratiques spécifiquement mises en place pour aider les élèves en difficulté tiendraient à deux mécanismes étroitement liés : des exigences amoindries et des occasions d’apprentissage moins nombreuses. En bref, des pratiques différenciatrices favorisant une « dérive du curriculum » (Grisay, 1993b) et une moindre qualité de l’environnement scolaire pourraient être les facteurs véritablement déterminants de l’inefficacité d’un certain nombre de pratiques destinées aux élèves en difficulté.

À l’instar de Crahay (auteur de l’ouvrage Peut-on lutter contre l’échec scolaire ? paru en 1996) et devant le désarroi des enseignants qui réceptionnent ces résultats, une question certes provocante mais qui mérite d’être posée pourrait être : « Faut-il ne pas aider les élèves en difficulté ? » L’examen des progressions des élèves en difficulté selon la classe qu’ils fréquentent révèle des situations très diversifiées. Certains élèves ont des progressions nettement meilleures que la moyenne, d’autres nettement plus faibles. Que se passe-t-il donc dans ces classes ? Peut-on penser que, dans les premières, les élèves sont peu aidés, ce qui limite les effets pervers des pratiques différenciées ? Peut-on penser que dans les secondes les enseignants prêtent très, trop attention aux élèves en difficulté, augmentant les risques de perversion de l’aide ? Nous proposons dans cet article [1] de progresser dans la connaissance des pratiques enseignantes propices aux progrès des élèves en difficulté, à partir d’un dispositif méthodologique articulant une approche quantitative de mesure des progrès des élèves et une approche qualitative de caractérisation des pratiques enseignantes, suivant en cela une méthodologie fréquente dans le courant de recherche « school effectiveness » ou « teacher effectiveness » (Teddlie, Kirby & Stringfield, 1989). Notre question de recherche initialement provocante peut être reformulée de la façon suivante : si certaines classes se distinguent entre elles dans leur capacité à faire plus ou moins progresser les élèves en difficulté, les pratiques observées en classe à l’égard de ces élèves sont-elles à même d’expliquer ces écarts ? Un premier temps de l’article présentera le dispositif méthodologique et les données d’enquête recueillies. Un second temps exposera les pratiques observées dans des classes dont l’efficacité auprès des élèves en difficulté est contrastée. Les données recueillies et les analyses associées sont nombreuses et nous tenterons en conclusion d’en faire émerger le principe général.

 

MÉTHODOLOGIE ET DONNÉES DENQUÊTE

La recherche nécessite à la fois de décrire les pratiques enseignantes et d’en apprécier les effets auprès des élèves en difficulté. L’articulation de ces deux nécessités constitue la principale difficulté de notre travail. En effet quantifier les effets du contexte scolaire, ici les pratiques enseignantes, sur les progrès des élèves suppose de respecter au moins deux principes fondamentaux (Duru-Bellat & Mingat, 1993, 1998 ; Bressoux, Coustère & Leroy-Audouin, 1997 ; Bressoux, 2007) : raisonner en termes de valeur ajoutée [2] et recourir à des modélisations statistiques [3]. Le respect du second principe oblige à travailler sur de vastes échantillons et rend difficile une caractérisation fine des pratiques enseignantes, au moyen d’observations de classes par exemple. Le dispositif empirique retenu qui permet de contourner cet écueil est exposé dans la section suivante.

Le dispositif retenu

L’échantillon initial se compose de 1 300 élèves répartis dans 100 classes de cours préparatoire, évalués en lecture et en mathématiques [4] en début et en fin d’année scolaire. Des analyses statistiques antérieures (Piquée, 2007b) ont permis d’estimer que les caractéristiques socio-démographiques et scolaires des élèves exercent un impact sur leurs performances de fin d’année scolaire [5] : d’une façon classique, on observe une corrélation positive avec le niveau scolaire en début d’année et des effets positifs du fait d’être une fille, d’être issu d’un milieu social favorisé (à ce niveau, c’est la profession de la mère qui se révèle plus déterminante que la profession du père) et de ne pas être en retard scolaire. Concernant les caractéristiques des classes, nous n’avons pas estimé d’effet significatif de la tonalité sociale (pourcentage d’élèves dont la mère est de milieu social favorisé) ou de son degré d’hétérogénéité sociale ou scolaire initial. En revanche, moins les élèves sont nombreux dans la classe, plus ils progressent. De même, plus le niveau moyen initial de la classe est élevé, plus les élèves progressent. Les caractéristiques structurelles des classes exercent toutefois un effet très modéré, environ 4 % des effets-classes. Reste donc un solde inexpliqué important dont on peut supposer qu’il s’explique en partie par un effet-maître.

Dans chacune des 100 classes, nous avons mesuré les progressions des élèves en contrôlant à la fois l’influence des caractéristiques socio-démographiques et scolaires de ces élèves et les caractéristiques structurelles des classes identifiées comme influentes (taille de la classe et niveau initial moyen). Nous disposons ainsi d’une mesure de l’efficacité pédagogique des classes de l’échantillon. Une mesure identique a été effectuée sur un sous-échantillon d’élèves plus faibles (ceux dont le score de début de CP est inférieur au score médian de l’échantillon). Nous avons ensuite sélectionné trente classes issues de l’échantillon initial : quinze dont l’efficacité pédagogique était la plus basse et quinze dont l’efficacité pédagogique était la plus haute. Puis nous avons examiné de plus près la structure des progressions de chacune de ces trente classes, pour n’en retenir que dix qui présentaient des structures contrastées en termes de progrès des élèves en difficulté. Les graphiques 1 et 2 [6] illustrent deux situations opposées.

Dans la classe représentée sur le graphique 1, le niveau des élèves est très hétérogène en début d’année (environ 40 points d’écart entre l’élève le plus faible et le meilleur) et le rang des élèves n’est pas modifié entre le début et la fin de l’année : les élèves dont le score initial est faible en début d’année restent les plus faibles en fin d’année et les élèves initialement les meilleurs conservent leur statut. Mais surtout, si trois élèves se situaient en début d’année au-dessus de la moyenne de l’échantillon, en fin d’année, tous ont un score inférieur. Le graphique 2 présente une classe initialement relativement hétérogène, les scores s’échelonnant sur l’axe des abscisses de 85 points environ à près de 110, et assez faible car la quasi-totalité des élèves se situe en dessous de la moyenne de l’échantillon. En fin d’année, l’écart entre les élèves les plus faibles et les meilleurs est du même ordre, mais tous les élèves (sauf trois) se situent au moins au niveau de la moyenne de l’échantillon. On observe dans cette classe une progression particulièrement nette des élèves les plus faibles.

 

Graphique 1. Classe du profil « basse efficacité »

Graphique 2. Classe du profil « haute efficacité »

 

Les données recueillies et les instruments de lenquête

Dans les dix classes sélectionnées, l’objectif était de caractériser les pratiques des enseignants à l’égard des élèves en difficulté, à partir d’observations réalisées au cours des années 2005 et 2006. Avant de présenter concrètement les instruments d’enquête et les données recueillies, la formulation « pratiques à l’égard des élèves en difficulté » mérite d’être définie. En effet, si l’on observe qu’un enseignant n’organise rien de spécifique pour les élèves en difficulté, cela constitue aussi une pratique à l’égard de ces élèves. Par ailleurs, un élève en difficulté n’est pas seulement un élève en difficulté, il est aussi un élève tout simplement, membre d’un groupe classe auquel s’adresse l’enseignant. Parce qu’il est élève au sens large, tout ce qui se passe en classe peut donc le concerner. Face à la complexité des phénomènes scolaires, toute recherche est conduite à réduire cette complexité, à examiner un objet sous un certain angle, forcément réducteur. En ce sens, nous choisissons ici, pour décrire ces pratiques, de nous placer du point de vue de l’élève en difficulté. C’est lui le sujet observé et non l’enseignant, l’objectif étant de savoir ce que vit cet élève. Avant l’observation, les enseignants ont indiqué le niveau de chaque élève de la classe afin de pouvoir identifier les trois élèves les plus en difficulté qui allaient faire l’objet de l’observation [7].

Au total, seulement huit classes parmi les dix prévues ont été observées. Des relances ont été effectuées auprès des deux derniers enseignants, tous deux situés dans le groupe des classes les moins efficaces, mais ont abouti à un refus définitif. Neuf élèves observés le sont dans les classes les moins efficaces, 14 dans les classes les plus efficaces (dans une classe, l’enseignante n’a pu identifier que deux élèves en difficulté). Dans chaque classe, deux observateurs, membres de l’équipe de recherche, devaient assister à une séance de trois heures. L’équipe était composée de 6 membres, de statut divers (cf. note 1), qui ont participé à toutes les phases de la recherche, de l’élaboration de la problématique jusqu’aux conclusions, en passant notamment par la construction des instruments d’enquête. Chaque membre a été amené à se familiariser avec les instruments, lors de la phase de prétest réalisée dans trois classes de CP non concernées par la recherche. Cette phase de prétest a permis l’amélioration des instruments et l’homogénéité de leur utilisation par chacun des observateurs.

Pendant l’observation, un des deux observateurs était muni d’une grille d’observation portant sur les interactions maître-élèves. Nous avons choisi d’observer cette dimension pour deux raisons principales. D’une part, les interactions maître-élèves sont une dimension des pratiques enseignantes identifiées comme relativement stables d’une année à l’autre (nous reviendrons ultérieurement sur la question de la stabilité des pratiques). D’autre part, la littérature montre nettement leurs effets sur les élèves, notamment en ce qui concerne la nature des feedback (Bressoux, 1994). Cette grille devait donc permettre à la fois de recueillir quantitativement les interactions entre l’enseignant et les trois élèves en difficulté observés et de caractériser la nature de ces échanges. Dans la mesure où nous n’avons pas eu l’autorisation de filmer la période observée et qu’il était difficile de construire des catégories a priori, nous avons choisi de retranscrire les propos échangés, sauf lors des phases d’aide individuelle pendant lesquelles les propos n’étaient pas audibles. L’ensemble des indicateurs construits a posteriori à partir de cette grille et leur opérationnalisation sont donnés en annexe. Le second observateur était muni d’une grille portant sur l’intégration des élèves en difficulté dans le groupe classe. En effet les résultats présentés en amont semblent nous indiquer que ce qui s’adresse au groupe classe aurait des effets plus positifs que ce qui s’adresse spécifiquement aux élèves en difficulté. Nous avons donc cherché à appréhender le degré de « collectif » et le degré de « différenciation » au cours d’une séance type de classe, en notant pour chaque élève en difficulté le temps passé sur une tâche identique à celle du reste du groupe classe et le temps passé sur une tâche différente. Nous avons également comptabilisé le temps passé par les trois élèves observés à travailler au sein d’un petit groupe d’élèves en difficulté, ainsi que le temps passé à travailler sur des contenus ou avec des conditions différentes de ceux du reste du groupe classe (matériel supplémentaire par exemple). Enfin, un entretien semi-directif avec chaque enseignant a été conduit immédiatement après l’observation dans la classe de l’enseignant. Cet entretien avait pour objectif particulier d’identifier les modes de prise en charge et les représentations que l’enseignant a de ses élèves en difficulté (la fréquence et la régularité de ce qui a été observé, les critères qui amènent à choisir une forme de travail plutôt qu’une autre, ce qui n’a pas été observé, la nature des difficultés des élèves, etc.).

Précautions dinterprétation

Deux limites principales sont à souligner afin d’éviter les surinterprétations des résultats présentés dans la suite de cet article. Les analyses statistiques conduites sur l’échantillon initial de 100 classes ont permis de mesurer l’efficacité pédagogique des classes et non pas celle des enseignants. Certes nous avons cherché à contrôler les effets des caractéristiques structurelles des classes (taille et niveau moyen initial), mais rien ne nous assure complètement que nous avons contrôlé l’ensemble des facteurs contextuels du niveau classe qui ne sont pas liés à l’enseignant. Nous ne pouvons donc pas affirmer que les différences d’efficacité restantes entre les classes s’expliquent uniquement par l’enseignant. D’ailleurs, les deux graphiques présentés précédemment montrent bien que les deux classes ne sont pas strictement comparables : dans la classe de profil « basse efficacité », quatre élèves ont un score initial inférieur à 80 et sont donc considérés comme très faibles, dans la classe « haute efficacité », aucun élève n’est aussi faible. Dans le même sens, lors de la phase d’observation, nous devons rappeler que ce sont les enseignants qui ont identifié leurs élèves en difficulté dans leur classe. Cette caractérisation du niveau des élèves n’est donc pas objective. Si l’on sait que les enseignants ont une capacité de discrimination généralement bien corrélée à celle obtenue à partir de tests standardisés (Crahay, 1996), il est néanmoins tout à fait probable que certains élèves dans certaines classes soient davantage en difficulté que d’autres élèves dans d’autres classes, ce qui pourrait expliquer les différences de pratique entre les classes. D’autre part, les mesures d’efficacité des classes ont été opérées au cours de l’année scolaire 2004-2005, alors que les observations se sont effectuées pendant les années 2005 et 2006. Bien entendu, ce sont les mêmes enseignants qui ont fait l’objet de la première et de la seconde étude, et ce sur le même niveau de classe, le cours préparatoire. Mais nous devons insister sur le fait que ce procédé repose sur deux hypothèses : celle de la stabilité des pratiques enseignantes d’une année à l’autre et celle de la stabilité des effets de ces pratiques sur les progrès des élèves. Notre dispositif de recherche ne permet pas de valider ces hypothèses sur nos données. Toutefois, elles peuvent être argumentées par des travaux antérieurs. Arrêtons-nous sur ces deux hypothèses un instant.

Les résultats des travaux antérieurs, pour leur grande majorité anglo-saxons, méritent un examen attentif. En effet, les premiers travaux sur les effets-maîtres attestaient d’une certaine stabilité de l’efficacité des enseignants (Acland, 1976 ; Mandeville, 1988 ; Raudenbush, 1989, cités par Bressoux, 2001). Les travaux plus récents sont moins affirmatifs. Par exemple, pour Sammons et ses collègues (2007), l’efficacité des enseignants est jugée relativement stable dans le temps, en ce sens que le passage du statut « enseignant efficace » au statut « enseignant inefficace » est très exceptionnel. À l’inverse, Sass (2008) ou Koedel et Betts (2007) soulignent une relative instabilité. Ayant classé les enseignants en cinq catégories, des 20 % les moins efficaces aux 20 % les plus efficaces, ils reconnaissent que le passage d’un extrême à l’autre est effectivement faible (mais pas exceptionnel). Toutefois, seulement un tiers environ des enseignants qui auraient été classés dans la catégorie des 20 % les moins efficaces le sont encore l’année suivante. Les deux tiers restant sont passés dans les catégories supérieures et ont donc gagné en efficacité. Parmi les enseignants classés dans la catégorie des 20 % les plus efficaces une année, les deux tiers sont classés dans une catégorie inférieure l’année suivante et ont donc perdu en efficacité. Cependant ces auteurs nuancent fortement leurs propos en insistant sur le fait que cette instabilité est davantage due à des modifications des caractéristiques scolaires du groupe d’élèves auquel s’adresse l’enseignant d’une année sur l’autre qu’à l’enseignant lui-même : il suffit qu’un ou deux élèves soient particulièrement en difficulté une année pour que la mesure de la valeur ajoutée associée à l’enseignant soit différente de celle de l’année précédente. Lorsque les recherches ont cherché à contrôler ces variations (Mc Caffrey, Sass & Lockwood, 2009), les corrélations entre les mesures d’efficacité d’une année à l’autre augmentent nettement, passant de 0,2 ou 0,3 à 0,5 voire 0,8 (Sass, 2008). En ce qui concerne la stabilité des pratiques enseignantes dans le temps, là aussi les résultats font controverse. Encore que le terme de controverse paraît trop fort. Disons plutôt que les chercheurs, en particulier en France au sein du réseau OPEN (Observation des pratiques enseignantes), s’accordent sur l’aspect paradoxal des pratiques enseignantes, à la fois stables et variables (Altet, 2003). Elles ne sont pas suffisamment stables pour que l’on puisse les décrire en termes de méthode, pour que l’on puisse s’installer dans un « fixisme » typologique (Bru, 1997). Des travaux (Bru, 1992 ; Altet et al., 1996) montrent clairement qu’il existe des variations dans les profils d’action des enseignants d’une année sur l’autre, mais aussi au cours d’une même année scolaire. Mais ces mêmes travaux montrent également une certaine stabilité de ces pratiques en ce qui concerne l’organisation temporelle, les conditions de passation des consignes et les interactions maître-élèves. De nombreux travaux récents cherchent désormais à caractériser les pratiques enseignantes non plus à partir de pratiques isolées, mais plutôt à partir de configurations relativement stables (Butlen, Masselot & Pézard, 2003 ; Clanet, 2005, 2007 ; Pariès, Robert & Rogalski, 2008 ; Robert & Rogalski, 2002).

RÉSULTATS DOBSERVATION

DANS DES CLASSES À EFFICACITÉ CONTRASTÉE

Données de contexte des classes observées

L’ancienneté des enseignants ne diffère pas sensiblement entre les deux groupes. Dans le groupe des classes les plus efficaces, deux enseignants sur cinq ont plus de 10 ans d’ancienneté en CP, contre un enseignant sur trois dans le groupe des classes les moins efficaces. Tous les autres ont entre deux et cinq ans d’ancienneté en CP. Les enseignants sont tous des femmes. Le nombre d’élèves par classe est légèrement moins élevé dans les classes les plus efficaces, qui comptent en moyenne 19,4 élèves, contre 21,6 dans les classes les moins efficaces. Dans le groupe des classes les moins efficaces, deux sur trois sont des cours doubles, seulement une sur cinq dans le groupe des classes les plus efficaces.

La relation enseignant-élève : les contacts verbaux

La relation maître-élève est appréhendée par l’importance et la nature de leurs contacts verbaux. Nous préférons ici les termes de contacts verbaux ou d’actions verbales à celui d’interactions, fréquemment utilisé, mais qui renvoie implicitement à l’idée d’échange. Or l’enseignant peut délivrer un message sans que l’élève soit amené à répondre, ou inversement.

Initiateur et intensité des contacts verbaux

L’intensité de la relation maître-élève a été appréhendée à travers deux indicateurs : le nombre moyen d’actions verbales relevées en une heure (témoignant de l’intensité de la relation) et la durée écoulée entre le début de la classe et la première interaction avec l’élève (témoignant de la rapidité de la prise de contact). Un premier constat concerne la forte dispersion observée pour ces deux indicateurs. On compte entre 2 et 12 contacts par heure selon les élèves et ceux-ci peuvent attendre entre moins d’une minute et plus de quarante avant leur premier contact verbal avec l’enseignant. Mais l’analyse des distributions en fonction de l’efficacité des classes ne laisse pas apparaître de différences significatives. Les données recueillies ne révèlent pas non plus de différence quant à l’initiateur de l’action verbale qui, dans les deux groupes de classe, est l’enseignant pour un peu plus de 80 % des actions verbales (voir le tableau 1).

Tableau 1. Intensité des contacts verbaux (N = 23)

 

Moyenne

Écart type

Nombre de contacts par heure pour les classes les moins efficaces

5,7

3,0

Nombre de contacts par heure pour les classes les plus efficaces

5,8

1,6

Temps écoulé entre l’entrée en classe et le premier contact pour les classes les moins efficaces (en min.)

17,9

8,5

Temps écoulé entre l’entrée en classe et le premier contact pour les classes les plus efficaces (en min.)

12,7

11,1

Contenu des actions verbales

Le contenu des actions verbales relevées a pu être classé en trois grandes catégories (voir le tableau 2). La première, comportant les actions verbales relatives au comportement des élèves (actions verbales ayant pour but de placer l’élève dans sa posture d’écolier), ne diffère pas significativement selon le type de classe (en moyenne [8], entre 10 % et 15 % des actions verbales). La deuxième, comportant les actions verbales centrées sur la personne de l’élève, ne se trouve pas non plus en quantité plus importante dans un des deux groupes de classe. En revanche la troisième, comportant les actions verbales centrées sur la tâche, est nettement plus importante dans les classes les plus efficaces (en moyenne, près des trois quarts des actions verbales) que dans les autres (moins des deux tiers), avec une différence significative cette fois au seuil de 0,06 (test du F de Fisher-Snedecor).

Tableau 2. Nature des contacts verbaux (N = 23)

Pourcentage moyen dactions verbales portant sur

 

le comportement

de l’élève

la personne de l’élève

la tâche

Total

Classes les moins efficaces

14,6 %

21,4 %

64,0 %

100,0 %

Classes les plus efficaces

10,0 %

15,8 %

74,2 %

100,0 %

Test du F de Fisher-Snedecor

0,90

1,37

3,96

 

Parmi ces actions verbales centrées sur la tâche, soit l’enseignant procède à une vérification du travail en cours (compréhension des consignes, de l’état d’avancement de la tâche), soit il procède à un guidage de l’élève dans la réalisation de cette tâche : dans les deux groupes de classe, environ 40,0 % des actions verbales centrées sur la tâche consistent à guider l’élève. En moyenne, parmi les actions qui relèvent du guidage, 86,0 % sont à dominante explicative (apports complémentaires de la part de l’enseignant sur la tâche et sur les conditions de réalisation). À l’inverse, 14,0 % des actions verbales de guidage sur la tâche sont à dominante réflexive (l’objectif est de faire réfléchir et verbaliser l’élève sur la (ou les) opération(s) qu’il utilise ou doit utiliser). Dans les deux groupes de classe, le guidage à dominante explicative est nettement plus fréquent que celui à dominante réflexive (voir le tableau 3). De plus, dans les classes les plus efficaces, le guidage de type réflexif est très peu présent (6,5 % des actions verbales) alors qu’il représente plus du quart des actions verbales dans les classes les moins efficaces. Ces différences sont significatives au seuil de 0,05 (test du F de Fisher-Snedecor).

Tableau 3. Nature du guidage (N = 23)

 

Pourcentage moyen de

guidage de nature explicative

Pourcentage moyen de

guidage de nature réflexive

Total

Classes les moins efficaces

71,9 %

28,1 %

100,0 %

Classes les plus efficaces

93,5 %

6,5 %

100,0 %

L’ensemble des résultats converge pour nous indiquer qu’il ne semble pas exister de différence particulière en matière d’intensité de la relation dans les deux groupes de classe étudiés. Les analyses montrent clairement en revanche que la nature des contacts est différente : les contacts verbaux sont davantage centrés sur la tâche dans les classes les plus efficaces et leurs objectifs visent davantage l’explication et la réalisation de la tâche que la compréhension des processus et la réflexivité.

Lorganisation du travail des élèves en difficulté

Indicateurs quantitatifs de différenciation du travail

Le temps de travail en petit groupe d’élèves en difficulté n’est pas statistiquement différent selon le type de classe (voir le tableau 4). Le temps passé par les élèves en difficulté sur des tâches différentes de celles données au reste du groupe classe, que ce soit du point de vue de leur contenu ou de leurs conditions de réalisation (temps ou matériel supplémentaire, longueur réduite…), ne varie pas : dans les deux groupes, les élèves ont passé en moyenne un quart de leur temps sur des tâches différenciées. Mais on observe aussi que les élèves peuvent être placés dans des situations différentes : sur une tâche commune à l’ensemble des élèves ou sur une tâche différenciée, ils peuvent travailler au sein d’un regroupement d’élèves de faible niveau ou non. Au total, quatre situations différentes sont possibles. Or cette diversité de configuration s’observe seulement dans le groupe des classes les plus efficaces. Dans les classes les moins efficaces, le temps de travail sur une tâche différenciée se fait quasiment toujours au sein d’un regroupement et, à l’inverse, une tâche commune donne rarement lieu à un regroupement.

Tableau 4. Intensité du temps de travail en groupe (N = 23)

 

Temps moyen de travail dans le collectif classe

Temps moyen de travail dans

un groupe d’élèves en difficulté

Total

Classes les moins efficaces

84,9 %

15,1 %

100,0 %

Classes les plus efficaces

78,6 %

21,4 %

100,0 %

La comparaison entre les deux groupes de classe a également porté sur la différenciation des tâches confiées aux élèves en difficulté, selon les contenus ou plutôt sur les conditions de réalisation des tâches. Aucun des élèves observés, sauf un dans une des classes les moins efficaces, n’a travaillé sur une tâche totalement différenciée dans ses contenus. La proportion de moments (cf. définition en annexe) pendant lesquels les élèves ont pu travailler avec des conditions de réalisation différentes de celles autorisées pour le reste du groupe classe est à peu près équivalente selon le type de classes (40,2 % des moments dans les classes les plus efficaces contre 36,6 % dans les classes les moins efficaces). Ces indicateurs quantitatifs ne nous révèlent donc pas de différence particulière, en termes de différenciation au sein de la classe, entre les classes les plus ou les moins efficaces. Nous percevons néanmoins que l’aide aux élèves en difficulté se fait de façon plus variée dans les classes les plus efficaces que dans les autres. Pour progresser dans l’analyse, il convient dorénavant d’entrer dans une perspective qualitative nous permettant d’examiner concrètement ce qui est fait, en classe, en direction des élèves en difficulté.

Pratiques observées en classe en direction des élèves en difficulté :

analyse qualitative

Les comportements des enseignants à l’égard des élèves en difficulté ont pu être catégorisés a posteriori en trois rubriques : les comportements destinés à favoriser la concentration et la mise au travail des élèves, la variation des niveaux de difficulté des tâches proposées et l’aide apportée. Le tableau 5 récapitule tous les items qui ont été observés dans au moins une des classes de chaque groupe étudié.

Tableau 5.

Récapitulatif des conditions de travail des élèves en difficulté relevées lors des observations

Note : le chiffre entre parenthèses indique le nombre d’enseignants pour lesquels les faits ont été observés.

Classes les plus efficaces

Classes les moins efficaces

Concentration et mise au travail

La présence des enseignants aux côtés de certains élèves est importante (5)

La présence des enseignants aux côtés de certains élèves est importante (3)

Les consignes sont toujours reformulées individuellement (4)

Les consignes peuvent être formulées ou répétées collectivement (2)

Les consignes sont relues par les élèves (1)

 

Les enseignants sont attentifs au positionnement physique des élèves (4)

Les enseignants sont attentifs au positionnement physique des élèves (3)

Les élèves peuvent être déplacés de façon appropriée à la tâche (placement devant le tableau, devant la maîtresse) (3)

 

Les élèves peuvent être isolés pour favoriser leur concentration (3)

 

L’exigence d’implication des élèves dans la tâche est forte dans la première partie de la matinée. Elle peut s’atténuer en fin de demi-journée (2)

 

Les enseignants peuvent jouer le rôle « d’assistant matériel » (gomme, ciseaux, taille-crayon…) (3)

 

Variation des niveaux de difficulté des tâches

Les interrogations orales portent sur des questions plus faciles que celles posées aux autres élèves (4)

Les interrogations orales portent sur des questions plus faciles que celles posées aux autres élèves (3)

Les tâches différenciées peuvent être prévues à l’avance et les élèves reçoivent un polycopié personnel ou une activité prévue dans leur cahier (2)

Les tâches différenciées peuvent être prévues à l’avance et les élèves reçoivent un polycopié personnel ou une activité prévue dans leur cahier (1)

La longueur de la tâche est réduite (par exemple en enlevant une phase de l’exercice à réaliser) (4)

La longueur de la tâche est réduite (par exemple en enlevant une phase de l’exercice à réaliser) (1)

Le vocabulaire est simplifié (3)

 

L’enseignant découpe la tâche en étapes successives et suit la réalisation de chacune (3)

L’enseignant peut commencer le travail (en écriture par exemple) et demander à l’élève de continuer (1)

Laide aux élèves en difficulté

L’enseignant propose une aide méthodologique (étiquettes, dés, gestes guides, frise numérique…), comme par exemple en phonologie, où il a recours à la vue (affichage classe), à l’audition, à des gestes, etc. (5)

L’enseignant propose une aide méthodologique (étiquettes, frise des jours, gestes guide) (3)

Guidage par questions (5)

Guidage par questions (3)

Les supports méthodologiques peuvent être multiples pour un même élève sur une seule tache : présence de l’enseignant, aide gestuelle, aide méthodologique (cubes, frise numérique, affichage dans la classe, questions intermédiaires posées par l’enseignant) (4)

Très peu d’élèves ont plusieurs aides en même temps (3)

Cet inventaire nous permet d’identifier un certain nombre de points convergents entre les deux groupes de classe. Les enseignants cherchent à être davantage présents aux côtés des élèves en difficulté et sont attentifs au positionnement physique des élèves (être bien assis, se retourner, etc.). Tous cherchent à aider les élèves grâce à des supports méthodologiques (affichage dans la classe, dés pour compter, frise des jours, etc.) ou en les guidant par des questions. Tous également ont posé, à l’oral, des questions différenciées en fonction du niveau des élèves [9].

Mais des divergences se révèlent également. Dans les classes les plus efficaces, les consignes de travail sont passées seulement une fois collectivement, puis les enseignants les répètent ou les reformulent individuellement aux élèves en difficulté. Dans l’autre groupe, il est arrivé que les consignes soient répétées collectivement de nombreuses fois. Dans le groupe des classes efficaces, un élève en difficulté peut bénéficier de plusieurs types d’aide en même temps, alors que dans le groupe des classes les moins efficaces, la grande majorité des élèves ne bénéficie que d’un seul type d’aide en même temps : huit élèves sur neuf ne bénéficient que d’une seule aide à la fois, soit la présence de l’enseignant (qui permet le plus souvent un guidage par questions ou une reformulation de consignes), soit une aide méthodologique. Enfin un certain nombre de comportements a été observé dans les classes les plus efficaces, jamais dans les classes les moins efficaces : les élèves peuvent être déplacés plusieurs fois de façon appropriée à la tâche (placement devant le tableau, devant la maîtresse, les élèves peuvent être isolés pour favoriser leur concentration), l’exigence d’implication des élèves dans la tâche est forte dans la première partie de la matinée et peut s’atténuer en fin de demi-journée, les enseignants peuvent jouer le rôle d’assistant matériel (gomme, chiffon, ciseaux, dés pour compter…), découpent la tâche en étapes successives et suivent la réalisation de chacune. Au total, on observe des stratégies centrées sur les élèves en difficulté plus variées dans les classes les plus efficaces. Tout se passe comme si ces enseignants cherchaient à mobiliser toutes les stratégies possibles au même moment (guidage par questions de l’enseignant, qui joue aussi le rôle d’assistant matériel, supports méthodologiques, temps supplémentaire, niveau de difficulté de la tâche adapté, etc.). Dans les autres classes, les élèves ne bénéficient souvent que d’un seul type d’aide, deux au maximum si l’on compte l’adaptation du niveau de difficulté des tâches.

Pratiques déclarées en direction des élèves en difficulté :

analyse qualitative

Les informations livrées dans les paragraphes suivants doivent être prises pour ce qu’elles sont, c’est-à-dire des discours qui ne reflètent pas assurément la réalité de la classe. De nombreux travaux montrent en effet la distance parfois très forte qui existe entre les pratiques déclarées et les pratiques observées (Clanet, 1998 ; Lescouarch, 2007). Néanmoins s’intéresser aux discours des enseignants, aux justifications qu’ils proposent, à la mise en œuvre de telle ou telle pratique peut donner un éclairage supplémentaire à ce qui vient d’être présenté en termes factuels, notamment pour comprendre la conception globale dans laquelle les enseignants inscrivent les pratiques observées. Chaque entretien a été dépouillé en extrayant tous les propos qui touchaient aux élèves en difficulté. Puis ces propos ont été classés en deux catégories : les faits (c’est-à-dire ce que l’enseignant dit faire et comment faire avec ses élèves en difficulté) et les représentations (les diagnostics des difficultés, les pronostics scolaires, les évaluations du comportement, perceptions, jugements, etc.). L’analyse qui suit ne porte que sur les faits déclarés. Le tableau 6 récapitule tous les items qui ont été déclarés dans au moins une des classes de chaque groupe étudié.

Tableau 6.

Récapitulatif des conditions de travail des élèves en difficulté relevées lors des entretiens

Note : le chiffre entre parenthèses indique le nombre d’enseignants ayant mentionné chaque item.

Classes les plus efficaces

Classes les moins efficaces

La différenciation des activités selon les élèves porte sur

La longueur de la tâche (5)

La longueur de la tâche (3)

La difficulté de la tâche : le vocabulaire peut être moins

étoffé par exemple (3)

La difficulté de la tâche : donner des choses que les

élèves savent faire pour les mettre en confiance (2) ou encore éviter les tâches d’abstraction pour leur

préférer du concret (2)

Une présence plus forte auprès d’élèves en difficulté (5)

Une présence plus forte auprès d’élèves en difficulté (2)

Le contenu est choisi en fonction des difficultés des

élèves, du travail qu’il leur reste à faire sur telle notion.

Les objectifs peuvent être intermédiaires (texte lu en

partie seulement par exemple) mais permettent à tous les élèves de participer à la phase collective (3)

Certains élèves n’ont presque jamais les mêmes tâches que les autres, que la différenciation se fasse par petits groupes d’élèves ou en groupe classe (1)

 

Les objectifs : importance du « comment » plus forte que celle du « quoi » (la compréhension des procédures est plus importante que la réalisation de la tâche) (2)

Les modalités de travail : des temps sont ménagés pour un travail spécifique avec des groupes d’élèves en difficulté qui ne constituent pas réellement des groupes de besoin et sont pensés plutôt pour permettre à l’enseignant de consacrer plus de temps à un petit groupe d’élèves en difficulté (4)

Les modalités de travail : mise en place de groupes de soutien, de besoin, tutorat (les meilleurs aident les plus faibles) (3)

Les lieux d’aide et d’apprentissage : recours aux aides extérieurs (RASED, psychologue scolaire, CMPP, CPEA, etc.) (1)

Les lieux d’aide et d’apprentissage : recours aux aides extérieurs (RASED, psychologue scolaire, CMPP, CPEA, etc.) (2)

L’aide matérielle (bande numérique, dés pour compter, supports écrits, auditifs, visuels…) (3)

 

La préparation aux activités nouvelles qui vont être introduites (3)

 

Concentration et mise au travail

Solliciter les élèves à l’oral sur la tâche en cours (5), parfois en leur annonçant qu’ils vont être interrogés pour les inciter à formuler une réponse (2)

Solliciter les élèves à l’oral, les faire répéter pour les stimuler (2)

En phase individuelle, s’assurer d’abord de la bonne compréhension des consignes pour les faibles, avant de passer aux autres élèves (4)

En phase individuelle, s’assurer d’abord de la bonne compréhension des consignes pour les faibles, avant de passer aux autres élèves (3)

Écrire les consignes au tableau (repères visuels pour les inattentifs) (3)

 

Appeler les élèves au tableau (2)

 

Avoir recours à des contacts physiques leur rappelant que l’enseignant est attentif à ce qu’ils font (2)

 

Isoler les élèves (3)

 

 

Laide aux élèves en difficulté

Interroger un autre élève sur une question proche dont la réponse pourra aider le premier élève (2)

Guider les élèves par des questions (sur les procédures : comment tu fais cela ?, où peux-tu trouver la réponse ?…) (2)

Aider dans la manipulation (3)

 

Certains enseignants font le point sur le travail des élèves en difficulté à l’issue de chaque demi-journée ou journée pour prévoir une réaction rapide et organisée dans la demi-journée suivante ou dans la semaine (3)

Ne pas abandonner, ne pas baisser les bras (3) : le groupe classe peut attendre longtemps avant que l’élève en difficulté n’ait répondu correctement (2)

Lorganisation spatiale de la classe

Le placement des élèves en difficulté est pensé pour qu’ils soient toujours à proximité de l’enseignant ou pour faciliter le déplacement de ces élèves à des emplacements isolés (4)

Les élèves en difficulté sont assis auprès d’élèves meilleurs dans certains cas (2), devant le bureau de l’enseignant dans d’autres (1)

Autre

Importance des encouragements (4)

Importance des encouragements (2)

Les enseignants se disent sensibles aux effets pervers de la différenciation (stigmatisation) (4)

Les enseignants se disent sensibles aux effets pervers de la différenciation (stigmatisation) (3)

Les erreurs sont considérées comme normales, avec la volonté de ne pas les pointer publiquement mais de les reprendre ultérieurement (4)

Reconnaissance du droit à l’erreur (3)

 

Donner des responsabilités aux élèves en difficulté (porte-parole) (3)

Ce qui nest pas fait

Interroger les élèves pour qui la tâche semble trop difficile (4)

Interroger les élèves pour qui la tâche semble trop difficile (3)

Le tutorat ou les groupes de besoin qui stigmatisent les élèves (3)

 

À nouveau, des points communs sont mis en évidence. Les enseignants de chaque groupe disent différencier la longueur de la tâche (« Soit je leur donne quelque chose de plus simple, soit je leur donne quelque chose de plus court », « Je donne la même chose qu’aux autres, mais ils n’ont pas le plus »), être conscients qu’ils doivent être plus attentifs aux élèves en difficulté, solliciter les élèves à l’oral pour les maintenir dans l’activité, s’assurer de la compréhension des consignes, faire attention à leur placement dans la classe, accorder une importance forte aux encouragements, être sensible à la stigmatisation et reconnaître le droit à l’erreur (« L’erreur est normale, la maîtresse aussi elle se trompe, heureusement pas tout le temps »). En fait, il semble y avoir comme un discours général qui rassemble tous les enseignants (être présent pour les élèves, les maintenir dans la tâche, les encourager, ne pas les stigmatiser en les mettant en difficulté devant le groupe), mais qui se traduit parfois concrètement de façon tout à fait différente dans la classe.

Une première différence tient au discours tenu sur la difficulté des tâches allouées aux élèves en difficulté. Si tous les enseignants disent moduler la difficulté des tâches, seuls ceux des classes les moins efficaces disent donner des tâches pour lesquelles ils sont sûrs que les élèves vont réussir. Ils pratiquent ici une certaine forme de « pédagogie de la réussite » qui a pour but de valoriser l’élève, de lui donner confiance. Plus qu’une différenciation du niveau de difficulté de la tâche, nous assistons à une différenciation des objectifs. Pour certaines tâches, les objectifs d’apprentissage sont absents, laissant place à des objectifs sociaux ou psychologiques (« Et E., toujours la mettre en confiance, lui donner aussi des choses qu’elle sait faire, pas que des choses qui sont des fois limites. Il faut lui donner des choses qu’elle sait faire pour la mettre en confiance »). Pour certains, varier le niveau de difficulté d’une tâche consiste aussi à proposer ce qu’ils appellent « le concret » aux élèves les plus faibles et « l’abstrait » aux meilleurs (« Pour lui, pas d’abstrait, non, c’est un choix »). Toujours en termes d’objectifs, les enseignants des classes les moins efficaces expliquent que, pour les élèves en difficulté, la compréhension des procédures peut être plus importante que la réalisation de la tâche. Ces élèves sont là aussi placés devant des objectifs (comprendre comment il aurait fallu réaliser la tâche) différents de ceux fixés au reste du groupe classe (réaliser la tâche) comme en témoignent les trois enseignants de ce groupe : « J’essaie de les guider par un jeu de questions-réponses, mais surtout en essayant de leur faire comprendre le problème […] : comment tu peux faire pour t’améliorer, comment tu vas faire ? », « Je leur demande : qu’est-ce qui va t’aider ? Où peux-tu chercher les outils ? » ou encore « Quand je suis avec eux, c’est moins ce à quoi on va aboutir qui compte que comment on fait quand on a des étiquettes ».

Cette différenciation des objectifs, dans les classes les moins efficaces, peut rendre difficile l’intégration des élèves au sein du groupe classe (« S., dans le petit groupe encore, elle y arrive, mais dans le grand groupe… C’est pas pour tout de suite. Mais je pense qu’il faut aller vers ça… On va essayer »). À l’inverse, les enseignants des classes les plus efficaces ont souvent insisté sur cette intégration dans le groupe (« Je m’assure que chaque élève a travaillé sur au moins une partie du texte […] pour que l’on partage tous le texte dans sa globalité », « Ma conception de la classe, c’est apprendre ensemble à faire tout seul » ou encore « On n’est pas tout seul dans la galère. Il y a la notion de groupe à laquelle je tiens toujours »).

Tous les enseignants s’accordent pour dire « qu’il ne faut pas baisser les bras », « ne jamais abandonner en leur donnant la bonne réponse ». Mais, deuxième différence, du côté des classes efficaces, certains enseignants expliquent qu’ils font le point sur le travail des élèves et leurs erreurs à l’issue de chaque demi-journée ou journée, pour prévoir une réaction organisée dans la demi-journée suivante ou dans la semaine (« Je prends du temps avec chaque élève, lui et moi, en aparté, et on discute de ses difficultés. J’aime bien ces moments, surtout le samedi matin, on fait le point, on boucle les choses, on prend du temps pour les élèves en difficulté », « Je reste manger à l’école le midi pour pouvoir faire le point sur ce qu’ont fait les élèves le matin » ou encore « J’ai bien repéré les erreurs que H. a faites en calcul mental. J’ai rien dit mais je prendrai un moment demain avec lui pour revoir ça »). Dans le groupe des classes moins efficaces, les enseignants expriment la volonté de prendre du temps au moment où se présente la difficulté (« Il ne faut rien laisser passer », « réagir tout de suite »), quitte à ce que le reste du groupe classe attende relativement longtemps avant que l’élève n’ait répondu correctement.

Une troisième différence tient aux modalités de travail en groupe. Si on note à nouveau un certain degré d’accord puisque tous les enseignants disent ménager des temps pendant lesquels les élèves en difficulté sont regroupés, le sens donné à cette modalité de travail varie entre les deux groupes de classe. Les enseignants des classes les moins efficaces parlent clairement de groupes de besoin, de groupes de soutien, de tutorat entre élèves permettant aux plus faibles d’être aidés par les meilleurs : « Je demande aux autres copains de venir l’aider. C’est quelque chose […] que j’utilise assez fréquemment parce que je trouve que le savoir ou la méthode, elle ne vient pas que de moi, elle passe aussi par les autres parce que c’est valorisant pour ceux qui savent déjà, c’est difficile pour eux d’apporter une aide sans faire à la place de… » ou encore « Ils sont presque tous assis à côté d’enfants qui fonctionnent bien ; il faut qu’ils aient une béquille. » Les enseignants de l’autre groupe n’utilisent jamais ces termes et soulignent explicitement qu’il ne « s’agit pas vraiment de groupe de besoin car les élèves sont différents », qu’ils « n’aime(nt) pas que des équipes travaillent différemment » ou que « le tutorat, […] j’ai plus de mal à le mettre en place car c’est moins bien accepté, moins bien vécu par certains enfants et ça me gêne ». Ils parlent plutôt de « travail en petit groupe » qui permet à l’enseignant de distribuer son temps d’une façon qu’il juge plus efficace, d’être aux côtés de tous les élèves les plus fragiles en même temps : « J’ai pris quelques enfants pour un travail en maths pour être plus près d’eux, et les autres peuvent faire en autonomie », « Je peux faire soit des équipes très hétérogènes, soit au contraire je fais une équipe avec des enfants qui ont plus de difficultés et je reste avec eux. C’est pour pouvoir m’attarder avec ceux qui avancent à un rythme différent » ou « Je préfère des binômes de niveau identique pour lesquels je vais être plus présente ».

Enfin certains comportements ont été mentionnés seulement par les enseignants des classes les plus efficaces, comme la préparation en amont aux activités nouvelles ou l’aide méthodologique donnée à certains élèves et non à d’autres (bande numérique, frise, dés, etc.). Pour maintenir les élèves concentrés, ils les appellent au tableau, ils ont recours à des contacts physiques (une main sur l’épaule les invitant à se placer droit devant leur table, une main sur la tête les invitant à se pencher, au sens propre comme figuré, sur leur travail), rappelant ainsi discrètement aux élèves qu’ils sont attentifs à ce qu’ils font, ils les isolent momentanément (« A. et H., je les ai mis devant moi parce que je voulais bien suivre ce qu’ils faisaient pour le calcul ; ils sont loin et je voulais vérifier ») ou encore se transforment en « assistant matériel » (« Je les aide dans la manipulation, ben oui, pour aller plus vite, pour arriver à quelque chose »).

À l’issue de l’analyse de ces entretiens, il ressort d’une part que le fonctionnement des classes les moins efficaces semble plus stigmatisant à l’égard des élèves en difficulté, plus différenciateur en termes d’objectifs d’apprentissage et in fine moins exigeant. Même si ces enseignants disent être conscients des risques de stigmatisation, de nombreuses situations affichent clairement le statut des élèves : ne pas avoir la même tâche que les autres, ne pas avoir à la réaliser, faire partie d’un groupe de besoin, avoir besoin de l’aide des meilleurs, avoir besoin de l’aide d’un dispositif extérieur, faire attendre tout le groupe parce qu’on n’a pas trouvé la bonne réponse sont autant de situations qui, cumulées, montrent à tous les élèves le statut de chacun, en particulier le statut d’élève en difficulté. Au contraire, dans les classes les plus efficaces, les enseignants déclarent que « le tutorat évoque encore une situation qui crée des différences, alors j’évite au maximum » ou qu’ils ne font « pas de groupes de besoin car […] je ne voudrais pas qu’ils soient montrés du doigt ». D’autre part, dans les classes les plus efficaces, les aides données aux élèves en difficulté sont variées (« Je développe toutes les stratégies possibles et inimaginables », « Je lui ai donné des cubes, je lui ai expliqué, posé des questions… J’essaie tout ») mais sont essentiellement centrées sur une différenciation des moyens, des conditions de réalisation des tâches et du temps de présence de l’enseignant à leurs côtés (« J’ai découpé, j’ai collé, sinon le travail n’aurait pas pu se faire »). À l’inverse, dans les classes les moins efficaces, la différenciation des moyens se révèle moins variée et se double de contenus appauvris (« Les exigences avec M., ma volonté aujourd’hui, c’est qu’elle apprenne à lire, au moins un apprentissage de base. Mais au-delà de ça, on ne sait pas où on va ») qui rendent difficile l’intégration dans le collectif classe.

CONCLUSION

Si certaines classes se distinguent entre elles dans leur capacité à faire plus ou moins progresser les élèves en difficulté, les pratiques observées en classe à l’égard de ces élèves sont-elles à même d’expliquer ces écarts ? Répondre à cette question a nécessité l’articulation d’une approche quantitative permettant une mesure d’efficacité sur un échantillon de cent classes de CP et d’une approche qualitative permettant la caractérisation des pratiques enseignantes sur un sous-échantillon de huit classes à efficacité contrastée. Les données recueillies montrent à la fois des points communs et des divergences entre les deux groupes de classe considérés. Les analyses révèlent que l’attention que les enseignants portent à leurs élèves en difficulté est de quantité équivalente dans les deux groupes de classe. Des indicateurs relatifs à la fréquence des contacts verbaux ou au volume de différenciation ne révèlent pas de différence significative entre ces deux groupes. Une première conclusion est donc que les effets de ces aides ne semblent pas liés à une question de quantité. En revanche, c’est la nature de l’aide qui paraît déterminante.

En effet l’ensemble des divergences identifiées entre les deux groupes nous semblent révéler que, dans les classes les plus efficaces, l’aide aux élèves en difficulté est intégrée à un fonctionnement plus global de la classe, fondé sur la recherche d’une véritable articulation entre les objectifs d’apprentissage et de socialisation de l’école. L’école doit « apprendre à vivre ensemble » et cela passe par « apprendre ensemble ». Ces valeurs semblent piloter fortement les pratiques des enseignants dans leurs classes, l’absence de différenciation des contenus et la réduction effective des processus de stigmatisation en témoignent. Si différenciation il y a, c’est au service de ces valeurs basées sur le collectif, l’égalité de réussite à laquelle on doit aboutir avec des élèves qui, de façon évidente et normale, utilisent des procédures différentes pour apprendre. Cette conception explique sans doute la variété des aides constatée dans ces classes. Dans les classes les moins efficaces, l’accumulation de processus de stigmatisation et de contenus appauvris rend difficile une intégration des élèves en difficulté au groupe classe et fait apparaître des logiques de socialisation et d’apprentissage davantage dissociées.

Comme nous l’avons explicité en amont, ces résultats peuvent être discutés en raison des limites méthodologiques de l’enquête. Un premier problème concerne le décalage temporel existant entre la mesure de l’efficacité pédagogique des classes et les observations des pratiques enseignantes. Ce décalage nous oblige à poser une hypothèse de stabilité des effets-maîtres et une hypothèse de stabilité des pratiques enseignantes, qu’il convient bien de considérer comme tel. Un second problème concerne le faible nombre d’enseignants observés et interrogés dans chaque catégorie, qui limite la solidité des comparaisons. Ces deux limites principales rendent nécessaire une confirmation des résultats, avec un dispositif empirique plus adapté, sur un échantillon plus large et des observations répétées dans chacune des classes. Toutefois nos résultats sont concordants avec les quelques travaux qui avaient déjà attiré l’attention sur les effets pervers, en matière d’apprentissage, d’un surinvestissement des activités visant la socialisation (dont Bouveau & Rochex, 1997). Notre article précise, à l’instar de Butlen et Pézard (1991) et plus récemment Jellab (2005), que ce type d’activité est indispensable, pour autant qu’il ne soit pas simplement juxtaposé ni envisagé comme un préalable, mais véritablement articulé, pensé conjointement aux activités d’apprentissage.

 

 

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Annexe

Liste des différents indicateurs utilisés lors de l'étude

Indicateurs de contacts verbaux entre enseignants et élèves

-  Nombre d'actions verbales dont l'auteur initial est l'enseignant ;

-  nombre d'actions verbales dont l'auteur initial est l'élève ;

-  nombre moyen d'actions verbales par heure ;

-  temps écoulé entre le début de classe et la première interaction ;

-  nombre d'actions verbales relatives au comportement de l'élève : il s'agit d'actions verbales ayant pour but de rappeler les règles de comportement et d'attitude en classe, de placer l'élève dans sa posture d'écolier ;

-  nombre d'actions verbales centrées sur l'élève : il s'agit d'actions verbales à effet positif ou négatif centrées sur la personne de l'élève, son estime de soi, son bien-être (félicitations, encouragements, valorisation, bien-être physique, discussions sans rapport avec la tâche, etc.) ;

-  nombre d'actions verbales centrées sur la tâche : toutes les actions verbales (qu'il y ait feedback ou pas) centrées sur le contenu des tâches prescrites.

Parmi les actions verbales centrées sur la tâche, certaines, à l'initiative de l'enseignant, ont pour objectif de guider l'élève dans la réalisation de la tâche. Ce guidage est caractérisé selon qu'il est à dominante explicative ou à dominante réflexive :

-  nombre d'actions verbales à dominante explicative : apports complémentaires de la part de l'enseignant sur la tâche et sur les conditions de réalisation  (opérations,  matériels,  reformulation de consignes...) ;

-  nombre d'actions verbales à dominante réflexive : toutes les types d'actions verbales qui ont pour objectif de faire réfléchir et verbaliser l'élève sur la (ou les) opération(s) qu'il utilise ou doit utiliser pour avancer dans la tâche.

Indicateurs de l'organisation du travail des élèves en difficulté

-  Nombre total de « moments » d'activité (un moment est identifié par une tâche ou une activité donnée aux élèves, par exemple : calcul mental, problèmes, lecture, dictée de mots, chant, etc.) ;

-  temps total de moments d'activité (somme des durées imparties par l'enseignant à chaque moment d'activité) ;

-  temps passé sur une tâche différenciée (la tâche proposée est différente de celle du reste du groupe classe), en pourcentage du temps total de moments d'activité ;

-  nombre de moments différenciés dans leurs objectifs, en pourcentage du nombre total de moments ;

-  nombre de moments différenciés dans leurs conditions de réalisation, en pourcentage du nombre total de moments ;

-  temps passé en groupe classe, en pourcentage du temps total ;

- temps passé en groupe d'élèves en difficulté, en pourcentage du temps total.

 

 


[1] . Cet article est issu d’un rapport de recherche financé par le rectorat de l’académie de Rennes. L’enquête a été réalisée en collaboration avec Hervé Kérivel (formateur IUFM), Daniel Le Beuan (formateur IUFM), Géraldine Le Gaouyat (maître formateur IUFM et enseignante en CP), Gilles Ribet (conseiller pédagogique) et Patricia Vélagas (conseiller pédagogique). La qualité de ce travail dépend incontestablement de leur engagement actif. Nous tenons à les en remercier vivement.

[2] . Il s’agit de prendre en compte le caractère cumulatif des apprentissages et donc de distinguer dans le niveau des élèves, à un moment donné, ce qui résulte de l’influence du contexte scolaire auquel ils ont été soumis pendant l’année écoulée de ce qui résulte des années antérieures de scolarisation. Pour ce faire, il convient de borner temporellement l’analyse en procédant à une mesure des acquisitions des élèves en début (octobre 2004 pour nos données) et en fin de période étudiée (juin 2005).

[3] . L’estimation des effets de contexte doit tenir compte du fait que la réussite scolaire est liée à des facteurs contextuels mais aussi individuels (le milieu social des élèves par exemple). Pour démêler les liens entre les différents facteurs susceptibles d’intervenir dans l’explication des différences de réussite entre élèves, et en l’absence de possibilité de réaliser de véritables expérimentations, les modélisations statistiques multivariées constituent une alternative pertinente et désormais classique dans le champ de la sociologie quantitative.

[4] . Les épreuves standardisées sont construites sur la base des programmes scolaires à ce niveau. Elles sont disponibles, et leurs propriétés métriques consultables, dans Piquée (2007b).

[5] . Dans l’ensemble des analyses présentées, nous travaillons sur un score global (lecture et mathématiques confondues). Si l’on peut penser que des analyses spécifiques à la lecture et aux mathématiques auraient pu être conduites, ce score moyen a été choisi afin de ne pas alourdir la présentation des résultats et se justifie par la corrélation positive observée entre les deux disciplines en début comme en fin d’année (les coefficients de corrélation de Bravais-Pearson valent respectivement + 0,71 et + 0,67, significatifs au seuil de 0,001).

[6] . En début comme en fin d’année, après avoir centré et réduit les distributions (moyenne = 0 et écart type = 1), la moyenne des élèves de l’échantillon total a été ramenée par convention à 100 et l’écart type à 15. Les scores donnés sont à interpréter en fonction des scores obtenus par l’ensemble des classes constituant l’échantillon initial (soit 100 classes).

[7] . Demander le classement de l’ensemble de la classe avait pour but de ne pas attirer l’attention de l’enseignant sur le fait que nous allions observer les seuls élèves les plus en difficulté, ce qui aurait pu orienter son comportement à leur égard pendant la séance.

[8] . Dans chaque groupe de classe, efficaces vs inefficaces, nous opérons la moyenne des pourcentages associés à chaque élève, car un faible nombre de contacts d’un certain type pour un élève peut néanmoins représenter un pourcentage élevé au regard du nombre total de contacts dont il est l’objet.

[9] . Cette évaluation du niveau de difficulté des questions est relativement subjective au moment de l’observation. La confirmation a été demandée lors de l’entretien.

Mise à jour le Dimanche, 17 Mars 2013 21:18  

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